Alfred-Auguste JANNIOT

1889–1969

En 1924, le monument aux Morts de la ville de Nice, orné de bas-reliefs d'un lyrisme puissant, révélait un nom : Janniot, dont c'était la première grande manifestation.

L'année suivante, à l'Exposition des arts décoratifs, on retrouvait ce nom sur un groupe particulièrement harmonieux au pavillon de Ruhlmann. Enfin, en 1931, après plusieurs années, ceux qui avaient suivi Janniot au travers de ses oeuvres et qui en attendaient une plus importante, où il pût exprimer le résultat de ses études, de ses recherches et de son silence, voyaient s'achever le Musée permanent des colonies, fait en collaboration avec l'architecte Laprade.

Le dessin et la composition de cette fresque extérieure, admirable tapisserie de pierre, la force du relief et le jeu savant des lumières et des ombres (qu'il faut d'autant plus admirer que la surface sculptée n'a que 17 centimètres d'épaisseur...) consacraient le talent et la réputation méritée de Janniot. De modeste ascendance parisienne, Janniot, qui manifeste très jeune une volonté convaincue dans son attirance vers l'art et que des difficultés matérielles ne rebuteront pas, suit les cours du soir, trouve le temps nécessaire pour produire, et vendre des dessins de bijoux et enfin est admis à l'Ecole des beaux-arts.

Sa ténacité, son indépendance, sa personnelle compréhension (qui fera dire un peu plus tard à un critique qu'il est un révolté) sont récompensées : en 1919, il est grand prix de Rome.

Luttant sans cesse pour se parfaire, pour exprimer avec une pleine sincérité et une constante amélioration cette puissance qu'il sent en lui, Janniot reste un simple, comme tout grand créateur, il est passionné, mais il demeure accessible et humain. L'atelier de la rue de Bagneux, au fond d'une impasse presque rustique où le silence aide à la pensée et à l'effort, est tout empreint de la personnalité du maître.

Dessins, esquisses, maquettes, pierres et marbres, bronzes sur lesquels glisse une lumière profonde, tout exprime l'amour de la beauté, le plaisir de transformer la pensée et les choses vivantes en matière sculptée. On participe à la joie puissante de ce regard lorsqu'il se pose sur les formes de la nature : de
1a feuille de l'arbre à la musique d'un corps ; harmonie des mouvements et surtout de l'architecture, car ses oeuvres sont avant tout « monumentales ", en ce sens qu'elles s'inscrivent d'elles-mêmes dans une architecture. 11 y a un lien évident entre le morceau qu'il travaille, la composition dont ce morceau fera partie et l'ensemble où elle trouvera son emplacement.

Et c'est là la plus nette expression de Janniot. 11 le dit lui-même d'une manière si simplement définitive, debout dans son atelier, en tenue de travail, avec les yeux clairs de ceux qui vivent pour ce qu'ils veulent exprimer : « Travailler pour les murs, c'est l'expression la plus noble de l'art. » L'équilibre des formes dans la sculpture, c'est ce que Janniot aime et exprime avant tout. On retrouve ici la conviction de Michel-Ange, qui cherchait avec autant d'amour les proportions du socle qui sert de piédestal à la statue antique de Marc-Aurèle que celles de ces magnifiques palais et ces escaliers étonnants qui l'entourent sur la place du Capitole. 11 y a là un exemple dont devraient s'inspirer les artistes contemporains. La sculpture et l'architecture ne doivent former qu'un même ensemble.

C'est la pure tradition grecque. La sculpture doit être comprise comme telle. Une oeuvre d'art ne peut exister en tant que valeur que si elle vit par son idée poétique et le don, base du talent, qui sera au départ de toute expression. L'arrangement qui appartient à tous les arts exclut bien souvent, et maintenant surtout ce matériau véritable qui est l'idée poétique. A ce sujet Rodin avait eu un jugement sévère, mais bien amusant sur Anatole France en disant de lui que, « s'il faisait bien la sauce, il ratait souvent le lapin... » Avec Janniot, devant cet équilibre, cette conviction qui apparait justifiée par la perfection des volumes, devant cette harmonie française dont il se réclame, on ne peut s'empêcher de penser avec moins d'inquiétude au grand trouble des arts majeurs de nos jours.

11 y aurait cependant beaucoup à dire, et peut-être cela sortirait-il du cadre exact de cet article, sur l'hésitation, le manque de sincérité, les erreurs des architectes et des sculpteurs modernes. La gêne qu'on ressent devant la plupart des récentes réalisations provient-elle de cette sorte d'internationalisme dû aux facilités de communication et de transport ?

Il y a là une erreur, qui pourrait devenir grave si l'on perdait de vue le sens « national » que donnent les indispensables et différentes conditions de sensibilité inhérentes aux races, aux sites, aux climats. L'essence même de l'art est l'harmonie, prenons garde de la détruire. Cette affirmation : « S'il pleut dans le Nord, il y a du soleil dans le Midi », qu'un paysan de chez nous prononçait sans penser au delà du bon sens et de l'immédiate évidence de cette constatation, devrait être présente à tous. Janniot, lui, du moins, reste Français de culture, d'indépendance, d'expression et de talent.

Madame Anne Demeurisse ayant droit de l'oeuvre de Janniot est présidente de l'Association Alfred Auguste Janniot .

N'hesitez pas à prendre contact avec cette association qui défend l'oeuvre de l'artiste.

14 rue Saulnier 75009 Paris

 

Tel : 01 48 01 69 14 .

Vous pouvez également visiter le site Internet de l'association :

http://www.janniot.com

Un ouvrage est disponible aux éditions Somogy ainsi qu'au siège de l'association. Une exposition est prévue prochainement à New York.

 

Sources : Plaisir de France N° 9 de Juin 1935

Photos : Remy Duval